Harcèlement [fr]

10 Apr 2024


“Le harcèlement vise la destruction progressive d’un individu ou d’un groupe par un autre individu ou un groupe, au moyen de pressions réitérées destinées à obtenir de force de l’individu quelque chose contre son gré et, ce faisant, à susciter et entretenir chez l’individu un état de terreur.”
Ariane Bilheran


Il y a quelques mois, j’avais découvert une vidéo d’il y a environ 10-15 années dans laquelle la psychologue Madame Ariane Bilheran présentait au Québec un séminaire sur le harcèlement. J’ai décidé de retranscrire l’audio en texte et de le mettre sur mon blog. J’en ai informé Mme Bilheran.

Toute personne intéressée peut se référer au site de Mme Bilheran:
https://www.arianebilheran.com

– rajout le 11 avril 2024: liens vers ce seminaire
https://www.dailymotion.com/video/x1yvmxy + x1yvpju
qui m’ont été donné par un ami ; si problème de correspondance avec le texte ci-dessous, merci de m’en informer

— Texte de son séminaire —

[… introduction par l’organisatrice …]

Bonjour à tous. Alors, je suis très honorée de venir ici présenter mes travaux. D’autant que j’ai travaillé, moi aussi, en psychiatrie et j’ai fait mon doctorat sur la psychose, les délires psychotiques, la façon de vivre le temps dans la psychose.

Alors peut-être, en deux mots, l’objet de ma visite au Québec, c’est de présenter mes deux derniers livres. J’avais déjà publié le premier sur le harcèlement en 2006, et là, je viens de sortir le gros, le gros harcèlement. Vous pourrez venir à la fin, si vous voulez voir les ouvrages. Et aujourd’hui je vais vous présenter donc une conférence sur le harcèlement.

J’ai choisi de faire plutôt clinique. C’est-à-dire les signes et les symptômes puisque évidemment nous sommes dans un hôpital. Et donc de prendre cette orientation avec vous qui peut-être vous intéressera davantage.

La première chose pour le harcèlement, c’est savoir comment l’identifier. Et ça, c’est très difficile. Alors, je vous fais un tout petit détour par l’étymologie dans un premier temps. Parce que harceler, ça veut dire utiliser la herse pour couper, si vous voulez, avec des petits à-coups, les épis de blé qui dépassent. Donc c’est d’abord une métaphore politique pour dire qu’il faut égaliser tout le monde et que surtout personne ne dépasse. Ce qu’on retrouvera ensuite dans la clinique du harcèlement. Il s’agit souvent de personnes qui sont, par exemple, compétentes dans un groupe et qui dépassent un petit peu du groupe. Donc, on va essayer de les faire rentrer dans le rang, si vous voulez. Alors la définition que j’avais proposée en 2006, je n’ai pas variée depuis, elle est un peu longue, mais elle est précise au moins :
Le harcèlement vise la destruction progressive d’un individu ou d’un groupe par un autre individu ou un groupe, au moyen de pression réitérée destinée à obtenir de force de l’individu quelque chose contre son gré et, ce faisant, à susciter et à entretenir chez l’individu un état de terreur.

Alors, il y a plusieurs choses qui sont importantes pour nous, notamment en France. C’est très, très important. Ces critères sont des critères de durée. Il faut que l’agression dure au moins trois mois en général. Et de répétition. Il faut qu’il y ait beaucoup de petites agressions sur la personne. Et le troisième critère important, c’est que ça vise à terroriser sur un plan psychologique la personne. En tout cas pour le harcèlement. On verra les différents types de harcèlement ensuite.

Alors ce qui est important, en tout cas moi, c’est le point de vue que je soutiens, c’est que le schéma du harcèlement, il est tout à fait identique que l’on se situe dans l’entreprise, où j’interviens par ailleurs, que l’on se situe dans l’institution, dans les différents types d’organisations, dans la famille, dans le couple et aussi dans l’État. Il y a certains États totalitaires qui utilisent des méthodes de harcèlement. Donc, il peut y avoir, si vous voulez, des variantes, mais le schéma est identique.

Alors, quelles différences entre ce qu’on appelle le harcèlement moral ou le harcèlement psychologique, le harcèlement sexuel et le harcèlement physique ?

Dans tous les trois types de harcèlement, il y a du harcèlement moral, c’est-à-dire qu’on vise la destruction psychologique de la personne. Mais on va dire que c’est plus efficace dans le cas de harcèlement sexuel et physique parce qu’il y a une atteinte directe sur le corps.

Le harcèlement sexuel, c’est des atteintes sur l’intimité génitale de la personne.

Le harcèlement physique, c’est tout simplement des actes de torture réitérés.

J’ai coutume de dire, si vous voulez, que le harcèlement moral, il n’est que moral. Ça ne veut pas dire que ça atténue évidemment l’ampleur de la destruction. Mais ça veut dire que c’est très difficile à repérer parce qu’on n’a pas de traces visibles ou ostentatoires du harcèlement moral. Et c’est un grand problème au niveau des plaintes, évidemment, en justice.

Alors, il se caractérise notamment par des agressions psychologiques directes.

Alors, les agressions psychologiques directes, c’est par exemple de la discrimination sur la couleur de peau, sur la religion, sur le sexe, etc. Ça peut être des brimades, des menaces directes, par exemple des menaces de mort, de la filature, de l’espionnage, de l’intrusion dans l’intimité de la personne, par exemple dans sa vie privée, de l’exclusion, de l’isolement, ce qu’on appelle couramment, en tout cas chez nous, la mise au placard. Ça, ce sont des agressions psychologiques directes.

Mais le harcèlement moral, notamment, se distingue aussi par des agressions psychologiques indirectes, très insidieuses, que l’on n’arrive pas souvent à qualifier et qui sont souvent d’ailleurs des absences d’agissement. Par exemple, vous n’êtes pas convoqué à une réunion, on ne vous donne pas le matériel nécessaire pour travailler, donc on ne vous met pas en copie des mails, par exemple des courriels où vous devriez être en copie, on vous exclut. Ces agressions, elles sont très sournoises. J’ai distingué les agressions par omission, ce que je viens de vous décrire. Les agressions détournées, par exemple, c’est des calomnies, des rumeurs. Et des agressions matérielles, la suppression, par exemple, des moyens de travail ou alors, dans la vie privée, des ressources financières, etc. Tout ce qui vise à rendre, évidemment, la personne dépendante.

Ce qui est terrible dans le harcèlement et qui rend les choses très difficiles à discerner pour un œil qui n’est pas averti, c’est la confusion des rôles. Parce que la victime de harcèlement va essayer de se défendre psychologiquement contre ce qu’elle subit, c’est-à-dire un rapport de force et de domination complètement asymétrique dans lequel elle n’a pas beaucoup de moyens de défense. Et elle va devenir agressive. Donc très souvent, c’est une façon pour les personnes qui harcèlent de dire « Mais si la personne est agressive, vous voyez, c’est bien qu’elle a quelque chose à se reprocher, c’est elle qui le cherche, c’est elle qui a un problème. » Donc là, le harceleur confond, si vous voulez, la conséquence du harcèlement, qui est l’agressivité, et la cause, en le faisant passer pour la cause.

Et de la même façon, du coup, le harceleur est souvent quelqu’un qui se fait passer pour la victime. Donc c’est très compliqué, si vous voulez. C’est donc lui qui est, et il se vit d’ailleurs souvent comme victime du harcèlement, et il va justifier ses pratiques en disant « mais moi, je me défends ». Donc c’est quelque chose de très, très, très compliqué.

Ce qui est important, c’est que le harcèlement, c’est une pathologie de groupe. Avant, en tout cas, ce qui m’avait un petit peu dérangée dans les travaux, avant que je fasse paraître mon livre, c’était, si vous voulez, qu’il y avait l’idée qu’il y avait un méchant harceleur, un gentil harcelé, et puis on en restait là. Je caricature un peu, mais ce n’était pas loin. Et c’est vrai que moi, je me suis posé la question à partir de la clinique des harcelés : qui disaient souvent que le groupe, finalement, les gens qui étaient autour n’avaient pas réagi, n’étaient pas intervenus, etc. De l’existence de ce groupe. Et ce que l’on constate, en réalité, c’est que s’il y a du harcèlement, c’est qu’un groupe a laissé faire, ou une organisation, ou une société. Mais en tout cas, il y a des gens qui sont autour, qui ne réagissent pas pour plein de raisons, mais ça les rend complices, soit passivement, soit activement, et ça permet l’existence du harcèlement. Donc ça je pense que c’est très très important dans la clinique du harcèlement.

Dans mon dernier livre, je vais revenir dessus après, j’ai notamment fait un gros chapitre sur la comparaison entre les symptômes de harcèlement moral et les symptômes de victimes de torture ; la torture, puisque c’est du harcèlement physique, ce sont les mêmes, les symptômes cliniques, et l’entreprise est tout à fait identique. Il s’agit donc de faire taire, que ce soit dans le harcèlement moral ou la torture, et il s’agit d’un processus de déshumanisation et de destruction psychique. Ce qui ressort aussi, en tout cas de mes études, c’est que le schéma psychologique est semblable. Tout à l’heure, je vous l’ai dit, dans les différents lieux que sont l’entreprise, l’institution, la famille, le couple ou l’État, mais aussi dans les différents temps. Au niveau psychologique, ça n’est pas nouveau comme phénomène. Simplement, il y a des recrudescences dans des périodes de crise où les personnes se sentent plus insécurisées et vont mettre en œuvre davantage de pratiques de ce genre.

Alors le but du harcèlement, pour l’instant, je vous ai dit qu’il s’agissait de détruire la personne, mais c’est peut-être un peu plus subtil. Il s’agit surtout et avant tout de la conduire à l’autodestruction. C’est-à-dire qu’il s’agit, dans le harcèlement et pour le harceleur, que la personne en face, si vous voulez, elle intègre, nous, on dit introjecter, je ne sais pas si c’est un terme qu’on utilise chez vous, elle introjecte, si vous voulez, la pulsion de destruction du harceleur et qu’elle continue, elle-même, de se maltraiter toute seule. Évidemment sans le vouloir. Un exemple de ces maltraitances, c’est les ruminations. C’est-à-dire que toute seule, elle va continuer sans la présence du harceleur à se maltraiter. Et ça peut aller, évidemment dans les cas graves, jusqu’à des tentatives de suicide, voire des suicides avérés avec introjection de la pulsion de destruction du harceleur.

Je vais passer sur… j’ai essayé de faire des typologies de profils de harcelés et de harceleurs. Après, si on a le temps, je viendrai vraiment dans les symptômes cliniques qui vous intéresseront.

En gros, sur les typologies de harcelés. On retrouve une compétence en général dans un groupe qui n’est pas compétent. C’est souvent ce qu’on retrouve. Ce n’est pas systématique, parce qu’en revanche ce qui est systématique, c’est que la personne harcelée est désignée, car elle est différente du groupe. Alors ça peut être, si vous voulez, une femme dans un groupe d’hommes. J’ai eu un cas comme ça, un groupe… un hétérosexuel dans un groupe d’homosexuels, etc., etc. Donc il y a une différence qui fait qu’elle va être d’emblée désignée peut-être comme la cible du harcèlement dans des groupes qui ont des processus pervers qui circulent. C’est une personne aussi qui est assez autonome par rapport au groupe et qui n’a pas forcément besoin du groupe pour exister. Et enfin, c’est une personne qui à la fois fait de la résistance par rapport aux tentatives d’aliénation de certains groupes, mais en même temps est suffisamment vulnérable pour être attaquée. Elle n’est pas entièrement forte, sinon le harceleur ne s’y risquerait même pas, en réalité.

Alors les réactions psychologiques des harcelés les plus courantes, je reviendrai dessus après en vous expliquant bien les mécanismes, c’est tout d’abord la honte et la culpabilité. Alors ça, c’est dans tous les cas d’agression, c’est la personne agressée qui porte la honte et la culpabilité que l’agresseur devrait porter en réalité. Du stress, de la peur, de l’anxiété. Un phénomène d’autohypnose. Alors autohypnose, si vous voulez, c’est une sorte de mécanisme où la personne va oublier ce qui s’est passé et revenir dans la situation en ayant oublié les actes traumatiques. Alors ça, par exemple, je peux vous donner comme exemple le plus parlant les violences conjugales. Vous voyez, où la personne revient et puis elle a effacé avec l’éponge ce qui s’était passé, et puis elle se remet dans la situation en banalisant, en minimisant. Aussi, des atteintes narcissiques très fortes comme la perte d’estime de soi, l’autodépréciation avec des idées dépressives et de la tristesse. Mais aussi quelque chose de très important à mon sens dans le harcèlement, la perte des repères, le doute, la confusion et la difficulté à s’inscrire dans le temps et dans l’espace avec des trous de mémoire très importants. Et enfin parfois, dans les réactions psychologiques des harcelées, une sorte de dimension sacrificielle. C’est-à-dire que la personne va se mettre dans une position de sacrifice pour le groupe, au nom du groupe, et même le revendiquer. J’ai eu des cas comme ça, ce n’est pas très fréquent, mais ça arrive. C’est-à-dire qu’elle a intégré que finalement son rôle, c’était d’être bouc émissaire. C’est quand même… questionnant.

Du côté des harceleurs, on retrouve des traits un peu inversés. Peut-être une incompétence, du moins le sentiment d’être incompétent par rapport à la personne harcelée. Et donc un sentiment de danger très fort, et l’impression d’être mise en danger par l’existence de la personne qui va être harcelée. Une absence d’autonomie avec une grande dépendance affective, beaucoup de séduction, avec une apparente sociabilité, jovialité, etc. Beaucoup de susceptibilité aussi, et ce que j’ai appelé un faux comique, c’est-à-dire la capacité à rire des autres, mais jamais de soi. C’est un indicateur très fort. Et souvent, une personne qui détient une certaine forme de pouvoir, alors qu’elle soit sociale, hiérarchique, en tout cas, elle a le pouvoir suffisant pour aller harceler la personne qui va être harcelée.

Les réactions psychologiques du harceleur, ce qu’on retrouve dans les grandes lignes, c’est une angoisse, un sentiment de danger et de persécution. Plus ou moins fort.

Il y a plusieurs profils. Je vais en parler dans deux minutes.

Un intérêt à harceler. Alors, soit c’est parce que la personne qui harcèle cherche à prendre la place ou la fonction ou la profession de la personne qui est harcelée, donc elle se dit, je vais la faire sortir. Ou une fois un dirigeant qui m’avait dit « mais moi, vous savez en France, on a un code du travail, quand même, pour l’instant assez protecteur, mais moi comment je fais pour me débarrasser des salariés. Il faut bien que je les harcèle pour qu’ils partent. » Donc, il y a un intérêt quand même important.

Une intolérance à la frustration, à la critique, avec beaucoup de jalousie, voire même d’envie. Je reviendrai un petit peu dessus tout à l’heure. Et c’est vrai que jusqu’à présent, on avait beaucoup insisté sur le profil pervers. En réalité dans le harcèlement, si on parle vraiment clinique psychologique et psychiatrique, il y a des processus pervers. Ce n’est que du processus pervers. Mais on rencontre, en tout cas moi dans la clinique, différents types de profils. Alors, il y a des vrais pervers narcissiques, certes. Il y a aussi les grands paranoïaques qui sont les plus dangereux et sont ceux qui vont surtout se faire passer en victime : aller porter plainte, écrire au président de la République. Enfin, on a beaucoup de choses comme ça.

Et puis aussi, nous, ce qu’on appelle les profils états-limites, c’est-à-dire qui sont un petit peu borderline et où on a des fois en fonction des angoisses et des contextes des pratiques harceleuses qui peuvent se mettre en place. Mais ça, c’est assez réducteur pour l’instant ce que je vous dis. L’essentiel, c’est de retenir qu’il n’y a pas que des pervers narcissiques qui harcèlent.

Alors les processus dans le harcèlement.

Tout d’abord, c’est des processus sadiques de contrainte. C’est-à-dire des processus de type pervers. Pervers au sens littéral du terme, c’est qu’on détourne les choses de leur objet, on instrumentalise, on parcellise et on crée de l’emprise. Donc, il s’agit de créer de la douleur avec de l’humiliation afin de détruire l’objet. L’objet, c’est la personne en réalité, en ayant l’illusion qu’on va obtenir une jouissance sexuelle et/ou psychique, j’ai mis physique, mais en réalité psychique, sur la personne harcelée. C’est une illusion parce qu’en réalité ça ne marche jamais vraiment et la personne qui harcèle est toujours obligée de ré harceler pour obtenir cette jouissance temporaire.

L’autre est perçu comme un instrument, c’est-à-dire pas comme une personne, un sujet qui a une dimension psychique, une affectivité, etc. Plutôt un instrument de jouissance.

Et la dimension très forte qu’on retrouve, c’est la notion d’envie. Je ne sais pas si vous faites comme nous la différence entre la jalousie et l’envie. La jalousie, c’est vous possédez un beau stylo, je veux le même. Donc, je vais essayer de me l’acheter. Ça, c’est de la jalousie, je vais être jalouse de votre stylo. Mais l’envie, je vais avoir envie d’être à votre place. Donc, de vous tuer, parce qu’il faut que je vous tue pour être à votre place. Il faut que je prenne les choses de vous, etc. Donc, ça, c’est quelque chose qu’on retrouve beaucoup dans les processus harceleurs.

Aussi, ce qu’on retrouve, c’est l’insidieux, le non factuel, le non-dit. Finalement, les non-agissements malveillants. C’est-à-dire, on vous ignore, on vous exclut, vous n’existez plus. Donc ça, j’en ai un petit peu parlé tout à l’heure, mais c’est un processus très fort. Et corollaire de ce processus, il y a un jeu sur l’angoisse d’abandon. C’est-à-dire que dans le harcèlement, ce qui est mis en scène, c’est qu’on va faire en sorte que le harcelé ressente une exclusion du groupe, un isolement, et presque un isolement de la terre entière. C’est-à-dire que ça le renvoie à une détresse infantile, presque la détresse du nourrisson qui est dépendant de tout son entourage et qui n’est pas capable en tout cas de se gérer lui-même. Et on peut imaginer alors du coup un nourrisson dans un entourage malveillant. Et c’est ça en tout cas qui est activé comme processus psychologique chez le harcelé.

Alors pour le harcelé, on a beaucoup de choses.

Tout d’abord l’identification à l’agresseur. Vous connaissez certainement le syndrome de Stockholm, mais ça, c’est quelque chose d’extrêmement récurrent dans le harcèlement. C’est-à-dire que le harcelé va, en tout cas, outre le phénomène d’autohypnose dont je vous ai parlé, excuser son agresseur, souvent, au début en tout cas. Et ça va être la personne qui excuse le plus au début. Et ensuite, se ressentir parfois en empathie avec son agresseur. alors, je prends notamment l’exemple, encore une fois le plus évident, c’est les violences conjugales où la personne va dire « mais non, on recommence, il m’a dit pardon, etc. » Et il y a une forme d’excuse et d’empathie en tout cas pour le harceleur. Alors, ça évidemment ça va jusqu’à un certain point, parce qu’il y a un moment donné, quand même, le harcelé prend conscience de là où il est et à qui il a à faire, et de la situation de laquelle il faut absolument qu’il sorte. D’autre part, cette identification, elle vise aussi à atténuer, on va dire, les coups de l’agresseur, en essayant de s’attirer une sympathie de cet agresseur. Et ça, c’est une forme de survie, à un moment donné, dans la situation de harcèlement.

Également, ce qui va toujours avec, et je vous l’ai expliqué un petit peu tout à l’heure, c’est que c’est le harcelé qui va porter la honte et la culpabilité de l’agression. C’est-à-dire qu’il va se sentir coupable de ce qu’il subit et se présenter du coup avec cette culpabilité. Donc, quelqu’un qui ne connaît pas se dit « mais il se sent coupable, c’est bien qu’il a fait quelque chose ». Pas du tout, pas du tout, c’est qu’il est très, très agressé.

Il y a aussi, dans la situation pour le harcelé, une incapacité à mettre des limites. incapacité non pas seulement psychologique, mais aussi parce que peut-être ça n’est pas possible à ce moment-là et c’est bien pour ça qu’il y a du harcèlement qui se met en place.

Et d’autre part, dans les processus harceleurs, le harcelé est attaqué dans son intégrité. L’intégrité, c’est ses idéaux, et notamment professionnels. Ça peut être l’idéal de justice, ça peut être l’idéal de vérité. C’est ses idéaux vraiment personnels et ses valeurs. Et on crée beaucoup de conflits de loyauté en demandant, si vous voulez, des choses qui sont contradictoires. On demande, par exemple, au harcelé de faire des tâches professionnelles qui sont contradictoires avec ses valeurs. Et donc, c’est très difficile de s’y retrouver psychiquement ensuite.

Alors pour l’entourage, les processus, c’est tout d’abord, et je vous l’ai dit tout à l’heure, il y a une permissivité qui s’inscrit d’abord sur la propension que nous avons à l’obéissance. Et ça, ce sont des études qui ont déjà été faites, notamment par Stanley Milgram, il y a un certain nombre d’années, mais qui sont tout à fait valables encore. C’est-à-dire que, par rapport à des figures qu’on investit comme chef ou comme autorité, nous sommes en propension à l’obéissance et nous avons tendance à perdre notre esprit critique. Alors, il y a des personnes qui, quand elles sortent de la situation, se rendent compte qu’elles ont quand même perdu leur esprit critique à ce moment-là. Mais il y a des personnes qui ne se rendent pas compte et qui continuent, du coup, à maintenir qu’elles avaient raison d’agir comme elles ont agi. Et c’est assez problématique parce que dans certains environnements, je pense notamment à certaines entreprises, il y a des moments où on a l’impression que ce qui est absolument anormal, des conduites d’irrespect extrêmement fortes, deviennent normales pour tout le monde et intégrées parce que finalement, la direction a décidé que c’était comme ça.

Je pense par exemple à une entreprise que j’ai en tête et où la direction a décidé, et bien, qu’il y avait des films pornographiques à distribution pour tous ses salariés. Donc, c’est normal. Vous voyez, sur le lieu de l’entreprise, tout le monde a ses mots de passe. Voilà. Mais la réalité dépasse souvent la fiction.

Pour le harceleur, les processus, c’est… Alors, tout d’abord, moi, ce qui m’intéresse beaucoup en termes de recherche, c’est la formation du harceleur. Parce qu’en comparant avec les travaux de Mme François-Syroni à l’université Paris 8 sur la torture politique, elle a montré notamment comment on fabriquait psychologiquement des tortionnaires. Il me semble qu’il y a vraiment quelque chose à creuser sur la fabrication des harceleurs. Notamment dans l’intrafamilial et dans la petite enfance, avec des processus… Ça ne veut pas dire que les personnes qui ont vécu du harcèlement dans leur famille deviendront harceleuses. Ça veut dire en revanche que les personnes qui harcèlent – et c’est du bon sens – ne sont vraiment pas bien dans leur peau et ont appris ça quelque part, si vous voulez.

Donc ça, c’est, à mon avis, l’une des clés de prévention les plus importantes.

Alors, on peut être harceleur, j’ai un petit peu distingué comme ça, de fortune ou de vocation. Alors, de vocation, c’est la personne qui va systématiquement ré harceler en fonction des situations dans lesquelles elle se trouve. Harceleur de fortune, eh bien, c’est la personne, si vous voulez, à un moment donné, elle a une marge de manœuvre, on la lui donne. Et puis, l’occasion fait le larron, elle va saisir cette marge de manœuvre. Mais dans un autre contexte, elle ne le ferait pas forcément.

Donc déjà, ce sont des types psychologiques très différents.

Le harceleur est aussi une personne qui, dans le groupe, va emprunter la fonction de leader sadique et dominateur. Ça n’est pas forcément le chef en place. Le leader sadique et dominateur, il peut remettre en question le chef en place et complètement déstructurer le groupe. Donc ça, c’est important.

Je vais revenir sur le syndrome post-traumatique parce que le harcèlement, ça crée un traumatisme très fort chez le harcelé. Alors, vous avez certainement entendu parler du syndrome post-traumatique qui est une réaction psychique, émotionnelle violente suite à un traumatisme psychologique mettant en jeu l’intégrité psychique et physique du sujet.

Donc le harcèlement crée une sollicitation permanente, un état d’inquiétude très très fort chez la personne harcelée, qui est tout le temps aux aguets. Et du coup met une énergie psychique considérable à essayer d’absorber ça. Donc, elle est en état de stress permanent. Le stress est une tentative de réponse à la sollicitation. Et quand le stress est trop fort, c’est-à-dire qu’à un moment donné, elle n’a plus la capacité d’avoir les ressources pour lutter contre ce stress-là, elle va s’effondrer psychologiquement et on va avoir tout le tableau du syndrome post-traumatique. Avec notamment des suites de la sidération. La sidération, vous savez probablement ce que c’est. Moyen terme en français, en tout cas, on utilise, on dit « on est scotché ». Je trouve que ça dit bien la sidération. On est scotché, du coup, on ne peut plus se décoller, on ne peut plus penser les choses. C’est-à-dire que la personne, elle est complètement sous le choc, incapable d’avoir des ressources pour se défendre. incapable d’avoir des ressources même pour sortir de la situation dans laquelle elle est.

Donc, tout ça, on verra bien que les pistes thérapeutiques, c’est évidemment d’arriver à donner de la distance et de la réflexion et des outils pour que la personne puisse sortir de cette situation.

Alors, je vous avais dit que j’y reviendrais, la similitude des symptômes entre le harcèlement et la torture. Ce sont les mêmes symptômes cliniques qu’on rencontre, symptômes psychologiques qu’on rencontre chez les personnes qui ont subi du harcèlement et de la torture. Dans tous les cas, il y a une menace de l’intégrité psychique et physique.

Je ne vous ai pas dit tout à l’heure que le harcèlement était un terme qui a été repris au Moyen-Âge pour évoquer quand il y avait des attaques de Château-fort avec le bélier. Donc, on essayait d’attaquer par petits coups le Château-fort pour pénétrer. Je trouve que c’est une excellente image, parce qu’on voit bien que, nous, on emploie le terme d’effraction, c’est-à-dire qu’on essaye de cambrioler le psychisme de la personne, faire en sorte qu’il ne lui appartienne plus. Et que finalement, si je prends une image, il y a le harceleur en permanence qui soit à l’intérieur pour lui dire qu’elle est nulle, qu’elle ne vaut rien, etc.

Alors, on va retrouver évidemment des symptômes dépressifs jusqu’à des idées suicidaires et des passages à l’acte. Mauvaise image de soi, perte d’estime de soi, des cauchemars très violents, des ruminations permanentes, des angoisses, du stress, avec même des phobies, de retourner sur le lieu où on a été harcelé, etc. Des troubles psychosomatiques forts. Alors, il y a des études françaises qui ont montré que dans les entreprises, si vous voulez, quand il y avait une recrudescence comme ça de harcèlement, il y avait de plus en plus de troubles psychosomatiques. Alors, on va avoir des maux de dos, des migraines, on va avoir de l’eczéma, des problèmes de peau, on va avoir des palpitations, des accidents vasculaires cérébraux. Ça peut aller très loin. Et puis, de la même façon, il y a des troubles psychosomatiques, si vous voulez, en recrudescence, et il y a des décompensations psychotiques. Donc, ça, ça nous intéresse beaucoup, évidemment, de voir que soit il y a un problème dans le recrutement de l’entreprise, soit il y a un problème dans le fonctionnement de l’entreprise. Je penche, évidemment, pour la seconde solution. Et puis un épuisement psychique et physique à un moment donné où la personne n’a plus du tout les ressources de se défendre. Et là, évidemment, elle a besoin d’une aide extrêmement urgente.

Alors, la clinique du harcelé, outre les symptômes déjà décrits. Il y a tout d’abord une incompréhension de ce qui se passe. C’est-à-dire que dans le harcèlement, le déni commence par le harcelé. C’est le harcelé qui est d’abord dans le déni de ce qui se passe et qui va minimiser, banaliser ce qui se passe, excuser le harceleur. Souvent, c’est une personne extérieure qui va lui dire « quand même, tu te rends compte de ce que tu vis. » Et là, il commence à y avoir un travail.

Aussi, une interrogation sur la culpabilité. « Qu’est-ce que j’ai fait ? C’est de ma faute, je n’ai pas mis ça en place. Oui, mais peut-être que j’aurais dû. » Cette remise en question, c’est déjà une énorme différence entre le harcelé et le harceleur. On verra après les tableaux.

Aussi, je vous en ai un peu parlé tout à l’heure, la distorsion de l’espace et du temps. C’est-à-dire que la personne, elle n’arrive plus à se situer dans le temps et elle n’arrive plus à se situer dans l’espace. Quand ça devient très, très grave, mais ça commence déjà dans des petites atteintes. Et c’est une grosse, grosse perturbation psychique qui montre qu’il y a une régression très forte des défenses psychologiques à un stade presque infantile où on n’a pas intégré encore ces perceptions-là. Alors aussi, une difficulté à avoir un travail de mémoire, c’est-à-dire à quel moment ça s’est passé, de reconstruction des faits. Donc c’est très confus, jusqu’à une superposition du passé et du présent dans le discours, et des espaces qui sont associés plutôt à de la sensorialité.

Également, une incommunicabilité de l’expérience, la personne pense qu’on ne peut pas la comprendre, et elle a honte d’ailleurs de ce qu’elle a vécu, donc elle va vous en parler très difficilement.

Alors, on a aussi, moi en tout cas dans ma clinique, j’ai constaté une prémonition chez le harcelé des agissements du harceleur. Ça ne veut pas dire qu’il va savoir quand est-ce que le harceleur va frapper. En général, le harceleur frappe au moment le plus vulnérable pour le harcelé. Donc, il y a des communications inconscientes qui se mettent en place. Mais en tout cas, le harcelé sait qu’il va encore se passer quelque chose. Et il a cette prémunition, alors que tout le monde lui dit « mais quand même, tu exagères. » C’est tout à fait presque sensitif, si vous voulez. Également une perte du désir, puisqu’une pulsion de mort qui attaque, du plaisir, une grande panique, une anxiété. Et une expression psychomotrice mène dans le regard de la souffrance psychique. Sans forcément que la personne s’étende beaucoup sur cette souffrance psychique.

Beaucoup d’agitation aussi, de la fuite, des automatismes. Parfois des addictions qui vont se mettre en place pour essayer de compenser l’équilibre psychologique qui est attaqué. Des phobies et parfois des idées délirantes. En tout cas, en France, on a eu des cas de décompensation suite à des harcèlements.

Beaucoup de banalisation et de minimisation des faits, en tout cas au début, une terreur et à la fois une empathie pour le harceleur. Le piège le plus aliénant, c’est l’empathie pour le harceleur. Quand elle existe chez le harcelé, ce n’est pas systématique, mais quand elle est là, c’est le plus aliénant et c’est le plus difficile à travailler avec la personne.

Également de la stupeur, une annihilation de la représentation et des liaisons psychiques, c’est-à-dire que la personne n’arrive plus à mettre les choses en connexion, complètement perdu, même psychologiquement, dans la capacité à penser les choses. Et c’est pour ça que donner des outils intellectuels, des livres, etc., ça permet à la personne et même des connaissances en travail thérapeutique, à la personne, ça lui permet de se ressaisir pour travailler sur ce qu’elle vit. Et également une charge intacte de l’événement traumatique, charge affective. C’est-à-dire que quand la personne vous le communique, c’est comme si ça se transmettait à vous-même. Et vous-même, vous n’êtes pas bien en ayant entendu le récit de la personne. Vous avez presque besoin d’aller le raconter encore à quelqu’un d’autre. C’est comme si c’était… même des années après, ça a cette charge affective intacte.

Ce qui ressort de tout ça, c’est que le harcelé, il est dans une prison psychique. Et souvent, en tout cas tant qu’il n’y a pas de l’aide extérieure à cette relation, il ne parvient pas à s’en libérer. Il attend l’autorisation du harceleur pour s’en libérer. On voit bien la dépendance, c’est-à-dire quelque part que le harceleur lui dise, ce qu’il ne fait jamais, ce qu’il ne fait évidemment jamais, mais lui donne l’autorisation de partir, etc. Donc ça, c’est de la mise sous terreur.

Et il faut qu’une figure extérieure, alors vécue comme une figure d’autorité, de soutien, puisse donner à la personne l’autorisation de partir. « Mais ce que tu vis, ça n’est pas normal, il faut que tu en sortes. » Et ça, c’est extrêmement important pour la personne harcelée.

Alors pour reconnaître un harceleur, parce que tout ça, c’est un peu compliqué. Moi, quand j’ai publié le premier livre sur le harcèlement, j’ai eu beaucoup de faux harcelés ou de vrais harceleurs qui m’ont envoyé leur dossier où il n’y avait rien dedans, mais il y avait toutes les lettres, au président de la République, théorie du complot… Donc, c’était assez intéressant d’un point de vue clinique. Mais il faut qu’on ait des outils pour reconnaître les faux harceleurs, enfin les faux harcelés et les vrais harcelés.

Alors, reconnaître un harceleur, souvent, il se présente en victime. C’est le harcelé, la personne harcelée, qui l’a cherché. Donc, il a été obligé de se défendre. Et toute sa rhétorique est constituée autour du fait qu’il est victime de la personne qu’en réalité, lui, harcèle. Il y a une forte conviction aussi chez le harceleur, il est sûr d’avoir raison. Un discours très cohérent, très argumenté, alors surtout dans les délires de type paranoïaque. Qu’on ne confonde pas avec les délires paranoïdes, qui ne sont pas structurés, mais délire paranoïaque qui piège même souvent les soignants.

Un maniement de l’allusion, beaucoup, c’est-à-dire qu’il y a un discrédit porté sur la victime de harcèlement, mais avec beaucoup d’allusions, peu de trous de mémoire et de confusion en revanche. Donc, une cohérence, mais qui en réalité est tout à fait fausse, et souvent, une des façons que vous pouvez avoir pour savoir tester un petit peu, c’est lui poser la question « mais quand est-ce que ça a commencé vraiment ? » Et là, vous voyez si c’est clair ou si c’est pas clair. Et si c’est pas clair et que la personne commence à s’énerver, vous commencez déjà à avoir des pistes sur le fait que peut-être, cette personne n’est pas si harcelée qu’elle en a l’air. Évidemment, aucune remise, pas de somatisation apparente et une tentative de contrôle et de maîtrise en général du thérapeute et du médecin avec une maîtrise du discours, du langage.

Il faut se méfier du langage dans le harcèlement. La personne qui est harcelée, elle est attaquée dans la fonction du langage. Donc, elle n’a plus forcément les ressources pour se raconter, alors que le faux harcelé, mais vrai harceleur, lui, il a toutes ses capacités au niveau du langage. Et une très bonne analyse apparente, mais peu d’émotion.

Le gros problème qu’on rencontre, c’est le problème du déni, y compris chez les soignants, à tous les niveaux de la société. Et c’est vrai que souvent, on va être plus enclin à écouter le discours d’un harceleur que le discours d’un harcelé parce qu’il a l’air cohérent, fiable, sécurisé. Et ça il faut énormément s’en méfier, beaucoup plus sur l’observation émotionnelle et psychosomatique de la personne. L’observation du comportement aussi.

Les grandes différences cliniques avec le harcelé, entre le harceleur et le harcelé, évidemment, ce sont des grands traits, il y a des spécificités quand on décline ça dans la clinique tous les jours. Mais déjà, ce sont des grands traits qui permettent de balayer un peu les choses. Les grandes différences cliniques, c’est la modération des propos des harcelés. Ils ne sont en général pas vindicatifs, pas véhéments, etc. Ça, ce sont des propos qu’on retrouve plutôt chez des harceleurs qui se font passer pour harcelé. Donc il y a un effondrement chez le harcelé avec une honte du récit, une grande difficulté à exprimer ce qui s’est passé, une introjection de la pulsion de destruction, un retournement des valeurs, une perte de sens, la personne ne sait plus où elle habite. Vraiment psychiquement parlant, elle ne sait plus. Et le harcelé veut éventuellement se venger. Ça peut être des choses qui sont dites, mais il n’y a que très rarement des passages à l’acte. Donc ça aussi, c’est important d’entendre qu’il peut y avoir un discours de vengeance, mais guerre de passage à l’acte.

Alors, les conséquences cliniques graves du harcèlement, heureusement, ça n’est pas tout le temps, mais c’est en fonction de l’intensité, de la durée, de la répétition du harcèlement et de la gravité des agressions. Il peut y avoir, donc ça peut aboutir jusqu’à des troubles de la personnalité multiple, des troubles dissociatifs de l’identité et jusqu’à des épisodes de décompensation délirante.

Alors, j’ai travaillé en maltraitance infantile aussi avant d’être dans la psychose adulte et les enfants qu’on peut mettre en présence de leurs harceleurs… Par exemple, j’ai le souvenir d’un petit garçon qui avait été harcelé physiquement, sexuellement, psychologiquement par sa mère. Dès qu’il entendait parler de sa mère, commencé à avoir des bouffées délirantes… Alors que, par ailleurs, c’était un petit garçon qui commençait à se structurer dans dans une famille d’accueil qui n’avait plus ses bouffées délirantes. Donc, c’est une hypothèse que le délire peut être aussi, à un moment donné, une échappée hors du réel qui permet d’éviter de se représenter ce qui est insupportable, surtout sur un psychisme pas encore très développé comme peut être celui d’un enfant.

Alors, évidemment, ces méthodes pour faire décompenser, il faudrait absolument, au niveau de la société, qu’on intervienne avant. Ça n’est pas toujours le cas, mais en tout cas, c’est un idéal qu’on peut se poser.

Alors, je crois qu’il faut vraiment comprendre le harcèlement comme un recours défensif du harceleur pour garder le contrôle, le contrôle qu’il n’a évidemment pas le sentiment d’avoir, et notamment le contrôle des sentiments de l’autre à son égard. Les harceleurs se protègent énormément de l’émotivité, de l’affectivité, de tout ça. C’est trop dangereux, il y a trop de connexions. Lutter contre l’angoisse de mort qui est très forte chez les harceleurs. Sauvegarder le sentiment d’exister, même si c’est dans le regard terrorisé de l’autre. J’existe parce que je terrorise l’autre, en fait. C’est un petit peu ce qui se passe pour les harceleurs.

Il y a la question plus générale de l’emprise. Alors, dans ma clinique en tout cas, parce que j’ai eu aussi des harceleurs… ex-harceleurs en consultation, ces personnes-là… Alors, il faut un grain de sable dans le système. Pour qu’ils arrivent en consultation, ce n’est pas automatique. Mais ces personnes-là, en réalité, sont toujours, dans leur histoire infantile, ont toujours extrêmement été attaquées. Et finalement, c’est une façon de conserver un équilibre psychologique, de harceler l’autre, et aussi de se protéger, du coup, de la décompensation délirante. Donc, on va aller chercher chez l’autre de quoi s’équilibrer. Évidemment, c’est tout à fait destructeur pour tout le monde.

Alors, la thérapie des harcelés, je pense que c’est important, vous le savez déjà, mais c’est important de le rappeler, d’écouter sans juger. C’est valable aussi pour les personnes qui peuvent entendre des récits de harcèlement. On ne sait pas exactement ce qui s’est passé. Il faut être dans une écoute qualitative, mais éviter de juger très rapidement, d’autant que, et le harcelé et le harceleur vont être extrêmement sensibles au jugement. Donc si on ressent le moindre jugement, ce sera ressenti. Donc il faut être très, très attentif à ça.

En revanche, la thérapie des harcelés, il me semble que ce n’est pas une thérapie comme une autre. C’est une thérapie où le thérapeute s’engage. Et il s’engage pour rappeler les lois de l’humanité. Les lois de l’humanité, c’est qu’on doit être respecté dans sa dignité, par exemple. Et c’est important de rappeler les règles du vivre ensemble à la personne qui a été harcelée, qui ne sait plus en fait où sont ses règles, puisqu’elle a été attaquée là-dedans et que le groupe a laissé faire. Donc rappeler aussi les droits de l’homme, des fois ça peut être important, même pour soi-même, de se replonger dans les grands textes universels qui permettent de se repositionner.

Par rapport à ce qui est acceptable et ce qui n’est pas acceptable.

Il faut faire attention aussi, et on peut avoir vite fait, l’intérêt pour cela, attention à l’enquête, c’est-à-dire que quelque part, on aimerait bien savoir, voir si ça s’est passé, si ça ne s’est pas passé, comment, etc. Dans la thérapie, justement, on n’est pas juge. Donc, justement, la question, ça n’est pas d’enquêter.

Et attention aussi aux pronostics. Pronostiquez, mais vous n’allez pas vous en sortir, etc.

Et de façon plus générale, je dis attention au voyeurisme, c’est un terme assez rapidement dit, mais le voyeurisme, c’est la tentation de vouloir en savoir un peu plus, d’aller poser trop de questions au harcelé. Il faut faire très attention aux sentiments d’intrusion pour les personnes harcelées parce qu’elles ont été intrusées énormément, elles ont été violées finalement psychologiquement. Donc il faut faire attention à respecter aussi si la personne n’a pas envie de parler de ce qu’elle a vécu. En tout cas, pas encore envie de parler.

Alors, sur les thérapies cliniques, ce qui est important, c’est de mettre des mots, d’aider la personne du moins à trouver les mots de ce qu’elle a vécu. Et pour ça, il peut être important de nommer le harcèlement et de donner les outils intellectuels de comprendre. C’est-à-dire que peut-être que la personne les connaissait avant d’être harcelée. Mais du fait qu’elle ait été harcelée, tout est rendu confus. Donc, il faut re-expliquer les choses et prendre le temps d’expliquer ce qui se passe. Alors que peut-être avec d’autres patients, on ne l’aurait pas fait dans d’autres situations.

Alors, il faut aussi l’aider, j’ai nommé ça comme ça, à conjurer les fantômes. C’est-à-dire que dans la thérapie, on est trois en fait. Il y a le thérapeute, le patient, et le harceleur qui se balade et qui vient réprimer la parole au harcelé, qui vient lui dire qu’il n’a pas le droit de s’en sortir, etc. Donc, ce fantôme-là, il plane. Et c’est pour ça qu’il est très important, comme ce sont des vécus de terreur psychologique, que le thérapeute, dans cette question, ne soit pas neutre, mais soit du côté de la victime. Mais j’entends aussi du côté de la victime, chez le harceleur qui aussi a un vécu de victimes avant, donc quand il le prend en charge.

Je vais en parler tout à l’heure.

En tout cas, là, on parle des harcelés, qu’ils se mettent clairement du côté de la victime en lui disant clairement ce qu’il a vécu, c’est inacceptable, etc.

Il faut aussi aider la personne à faire des liens avec son histoire, son histoire infantile. J’entends par là que le harcèlement ne vise jamais la personne au hasard. C’est-à-dire le harceleur vise les fragilités de la personne. Donc pourquoi est-ce qu’à cet endroit, peut-être que s’il avait harcelé une autre personne, il aurait visé autre chose. Pourquoi est-ce que cet endroit est fragile ? Et donc essayer d’avancer ça, comme ça la prochaine fois, si un prochain harceleur essaye d’attaquer à cet endroit, il n’y arrivera pas.

Il faut aussi aider au travail de mémorisation, d’historicisation, c’est-à-dire, comme je vous l’ai dit, le temps est attaqué. Il faut essayer d’aider la personne à reconstituer l’histoire de tout ce qui s’est passé et d’arriver à bien mettre tout ça à distance. Respecter le besoin d’intimité dans l’entretien. Donc, là encore, ne pas exiger que la personne parle si elle n’a pas envie de parler. Elle parlera au moment où elle a envie de parler.

Il faut aussi aider à comprendre ce que la personne rejoue affectivement dans la situation. Pourquoi elle est dans cette situation ? Pourquoi elle y est restée ? parce que dans les mêmes situations, il y a des personnes qui partent alors qu’elles ont des moyens encore moindres que celles qui restent. Alors, pourquoi celles qui sont restées sont restées ? Pourquoi elles ont eu cette empathie, etc. ? C’est important de refaire des liens avec ça.

Et également, la base, c’est la compréhension et la compassion pour son patient. Mais ça, il me semble que c’est une déontologie, évidemment, qui fonde le métier de thérapeute.

Alors, pour la prise en charge thérapeutique des harceleurs. personnellement, je pense que c’est possible qu’un harceleur sorte du processus de harcèlement. J’ai eu des personnes en clinique qui ont enfin pris conscience de ce qu’elles avaient mis en place, etc. Donc, si on condamne trop rapidement, on condamne aussi à ce que ça se reproduise, puisque les personnes, on ne leur donne pas non plus la chance de se sortir de là où elles sont. Parce que, malgré tout, entre nous, on peut se dire que si on a besoin de harceler, on est quand même terriblement mal dans sa peau, terriblement angoissé. Et que ce n’est pas ce qu’on souhaite non plus à la personne, d’avoir un mode relationnel qui est un mode relationnel de domination, incapable de partage, d’épanouissement mutuel, etc.

Alors, ça, c’est une première chose.

Pour les délires, je vous ai dit un petit peu tout à l’heure, c’est important de distinguer le délire paranoïde de la schizophrénie, le délire paranoïaque de la paranoïa. Le délire paranoïaque est très, très difficile à distinguer.

Alors, pour la prise en charge thérapeutique des harceleurs, ce qui est difficile, c’est la question de la demande. Parce que le harceleur pour qui le système défensif marche très bien, il n’a pas de demande. Lui, il va très bien. Ce sont les autres qui vont très mal. Donc là, évidemment, on ne peut rien faire. Tant que, mais ça arrive, dans la vie du harceleur, il n’y a pas eu un événement qui fragilise un petit peu tout ça. qui peut être un événement de vie grave et qui du coup fait entrer, fait un petit peu, si vous voulez, basculer le système de défense en dépression. C’est-à-dire qu’à un moment donné ça ne marche plus trop, ce système de défense-là. Tac, ça bascule un petit peu en dépression et là, on peut commencer à faire quelque chose et à travailler ensemble.

Sachant que, comme vous voyez, c’est un système de construction psychologique très fragile et en même temps très fort, qui indique que la personne est très vulnérable au niveau psychologique. La personne harceleuse, elle sait qu’en allant en thérapie aussi, c’est pour ça que c’est très difficile la remise en question et qu’en général, elle ne la fait pas, elle va mettre en danger cette espèce d’équilibre très précaire qu’elle a essayé de trouver. En tout cas, moi, les patients qui ont harcelé sans même s’en rendre compte, ces personnes-là ont ensuite, dans la thérapie, eu un énorme courage, par rapport à ce sentiment de déconstruction psychologique.

Donc, je crois que tout n’est pas perdu.

Ce qui est très difficile en revanche dans la thérapie des harceleurs, souvent, c’est qu’au début, le lien, ce n’est pas un lien de confiance, c’est un lien de méfiance, avec une angoisse d’être manipulé, violé, intrusé par son thérapeute. Donc, c’est très compliqué. Donc, derrière tout ça, il faut entendre la souffrance et les défenses psychologiques. Et souvent, les harceleurs sont des personnes qui vont attaquer le cadre thérapeutique et tester, en fait, le thérapeute. Est-ce qu’il tient dans son cadre ? Donc, est-ce qu’il va être capable de me protéger en réalité ? Ou pas ? Ou est-ce que je peux l’emmener, le manipuler, le balader ? Et ce qui est enfin important, c’est de travailler sur les raisons et les émotions qui ont poussé à harceler pour le harceleur.

Alors, le thérapeute, dans tout ça, il doit avoir une fonction que moi, j’appelle tierce. C’est-à-dire permettre de travailler la distance avec ce qui s’est passé, que ce soit pour le harceleur ou le harcelé. Évidemment, quand je parle de cadre, il est impensable pour un thérapeute d’avoir en même temps la personne harcelée et puis, l’heure d’après, la personne harceleuse. Soit, on prend la relation, soit on renvoie évidemment l’autre partie de la relation sur un autre thérapeute. Parce que ce qui est très important, c’est d’assurer un cadre qui protège.

Alors dans la fonction du thérapeute, en tout cas ce qui marche beaucoup, c’est d’essayer de travailler sur l’imaginaire. À quoi ça vous fait penser ? Et puis les images, les cauchemars, etc. mais toute la notion d’imaginaire. Et si vous imaginiez ce qui pourrait vous arriver encore de pire avec le harceleur ? Alors là, la personne, elle va donner beaucoup.

Et puis, également, on peut passer par des matériaux artistiques si la personne a beaucoup de mal à s’exprimer dans le langage. Donc, travailler aussi sur la distanciation, la capacité à mettre à distance, et la déprise, c’est-à-dire la sortie d’emprise. Donc avec les enfants, on peut faire aussi de la symbolisation artistique et ludique. On travaille beaucoup par le jeu, de ce qui se passe et qui permet aussi de mettre à distance. Ce n’est pas toujours possible au début parce que la personne est trop collée, mais petit à petit, on peut le mettre en place. Donc, je l’ai dit, un respect du cadre qui offre un espace sécurisé et constant, qui résiste aux attaques. Je prends un exemple, j’ai suivi un enfant qui avait été terriblement harcelé. Alors à chaque fois, il venait dans mon cabinet, il jetait tout, il cassait tout. Alors, soit on le laisse casser, c’est-à-dire que, donc on lui dit que finalement ce qu’il fait, ce qu’il a subi, il a le droit de le faire et donc c’est normal. Soit, on lui dit que non, il va falloir qu’il répare ce qu’il a cassé. Donc c’était très difficile, mais c’est ça un cadre qui protège, c’est pas de laisser tout faire. Donc le thérapeute, c’est un protecteur psychique et un soutien moral.

Attention à l’emprise aussi du thérapeute. Alors l’emprise malgré nous, c’est-à-dire qu’il y a des patients qui nous entraînent aussi dans quelque chose où ils nous énervent, on ne peut plus les supporter parce qu’ils appellent 15 fois pour annuler un rendez-vous, modifier, etc. Et ce sont des choses de reproduction. Il faut faire attention à bien garder toujours sa place.

Ne pas confondre non plus aide et réparation. Il y a souvent, enfin souvent, non, ça peut arriver qu’on s’identifie trop à la personne et que du coup, on ne garde plus sa place et ce sont des choses très difficiles dans le harcèlement, c’est très insidieux aussi avec des cas de harcèlement.

Également, redonner cohérence à la parole, c’est-à-dire le cadre, les règles qui sont posées, elles seront respectées. La cohérence entre ce qu’on peut dire une fois et ce qu’on peut dire la dixième séance après, c’est important.

Aussi une bonne distance affective, dépassionner les identifications, et je l’ai déjà dit, le prendre parti pour la victime, le harcelé actuel, le harcelé à l’intérieur du harceleur, mais le harcelé ancien, etc.

Alors, peut-être en conclusion, j’aimerais bien dire qu’il est très difficile de regarder la réalité en face. Mais vous témoignez aussi que la réalité dépasse toujours la fiction. Je n’ai peut-être pas le temps maintenant d’aborder des cas complètement fou que je peux voir lors des diagnostics que j’ai faits en entreprises. Mais ça vaut le… je peux faire après plusieurs séries romanesque. Ce sera bien vendu à mon avis. C’est absolument terrifiant. Et donc on n’est jamais… on est toujours trop dans le déni finalement, on est toujours dans la « mais quand même c’est pas possible que ça se passe ! » Mais des fois, c’est, il y a des choses absolument ahurissantes qui se passent. Et maintenant, souvent ce que ce que l’on voit en France en tout cas, c’est une utilisation de l’accusation de harcèlement pour licencier des gens en disant, « oui, mais lui, il a harcelé sa collègue. » Ce qui n’est absolument pas vrai, mais on utilise ça et on dit, « oui, mais on n’avait pas d’autre solution. » Donc, c’est le serpent qui se mord la queue. Finalement la personne harcelée est accusée elle-même d’harceler une autre personne, ce qui lui justifie d’être licenciée. Donc, on est dans des situations complètement folles.

Alors, dans le cadre du harcèlement, il y a une forte responsabilité, à mon sens, du corps médical et psychologique. parce que nous sommes investis dans nos professions de figures, finalement, qui sont sachantes. On sait, enfin, en tout cas, les gens nous investissent comme ça, comme des figures d’autorité qui sont supposées savoir des choses. Donc, en fait, notre parole a énormément de poids et on a très peu le droit à l’erreur dans le harcèlement, contrairement à une personne qui va se confier à une amie, elle sait que son amie va faire cas de sa parole, comme celle de son amie. Tandis que les personnes harcelées, elles sont à ce point démunies qu’elles vont presque prendre de façon religieuse nos paroles. Donc il faut faire très attention du fait de leur état de détresse, l’état de détresse de ces patients qui viennent se confier à nous.

Donc, on a une forte responsabilité aussi dans la protection de la personne. Je pense notamment aux harcelés dans la famille, etc., ou dans le couple. Alors, il y a le conjoint qui va appeler, essayer d’intruser l’espace de la clinique. Évidemment, c’est hors de question. Protection, autonomisation de la personne, c’est ce qu’il faut absolument qu’on vise. Qu’elle sorte de cela, de ce processus, et qu’elle en sorte de façon sécurisée.

Et enfin, ce que j’ai envie de dire, c’est que plus le traumatisme a été lourd, plus la thérapie est longue. Il est complètement illusoire, à mon sens, de penser qu’on peut régler cinq ans par exemple de harcèlement en un mois de thérapie. En tout cas, moi, je ne le vends pas ça à mes patients. Je vous dis ça, moi, je ne sais pas faire, vous allez voir. En tout cas pour le régler en profondeur.

Alors aussi, ce sur quoi j’aimerais insister en conclusion, c’est sur cette, si vous voulez, cette opinion, « mais oui, mais en fait, s’il se passe ça, si la personne a été harcelée, c’est que quand même, elle l’a bien cherché. » « Si elle a été violée, elle l’a bien cherché. » Ça, c’est une accusation perverse évidemment. Comme de dire, il n’y a pas de fumée sans feu. Personne ne peut chercher une agression. Ça, c’est du bon sens. En revanche des personnes peuvent se mettre dans des situations malgré elles où elles vont être vulnérables et à la merci d’eux. Et ça il faut travailler le pourquoi elles se mettent dans ces situations. Mais on ne peut pas justifier une agression ainsi.

Moi, sur quoi j’ai aussi envie d’insister en conclusion, c’est l’exportation sociale des maltraitances intrafamiliales. Et de ce que j’ai constaté, un harceleur est toujours quelqu’un qui a été harcelé, maltraité dans son histoire infantile. Et la différence finalement avec une personne qui a vécu les mêmes maltraitances ou des maltraitances similaires et qui s’en est sorti, c’est que le harceleur, personne ne lui a dit que ce qu’il vivait dans son enfance, ça n’était pas normal. Donc, dans des univers très clos, comme ça, où l’intrafamilial est une sphère d’un pouvoir inimaginable, et où d’ailleurs, les enfants reproduisent eux-mêmes ce qu’ils subissent sur d’autres enfants. Et on commence à avoir quelque chose de cet ordre-là. Malheureusement, à mon sens, la société est en plein déni là-dessus. Et donc, il s’agit de ne pas trop cloisonner les domaines, et on peut également être harceleur, par exemple au travail, et harcelé dans sa vie privée. Des fois, il y a des situations très complexes comme cela.

Donc, la fabrique des bourreaux, à mon sens, elle est dans la vie privée, dans l’intra-familiale. Il y a très peu de prise en compte du harcèlement dans la vie privée en France. Il n’y a même pas de loi qui vient sanctionner cela. Alors qu’en Allemagne, par exemple, on a une loi qui vient sanctionner à la suite d’un meurtre, en fait, suite à un harcèlement qui avait beaucoup choqué la population. Mais en France, nous n’avons pas de prise en compte, en tout cas légale, du harcèlement dans la vie privée. On peut suivre quelqu’un, on peut le prendre en filature, c’est autorisé, avec un grand déni des maltraitances donc intra-familial. Donc à mon sens les harceleurs que nous avons sont des harceleurs que nous avons fabriqués socialement et qu’on laisse faire aussi socialement.

Donc, ce sur quoi je voudrais enfin terminer avant qu’on puisse passer aux questions, c’est qu’il est très important de comprendre avant de juger. Et c’est très délicat parce que le harcèlement renvoie tout le monde à quelque chose de très fort, très affectif. Mais la compréhension, à mon avis, elle est surtout le fait des soignants. Les juges, ils ont aussi leur travail avec d’autres pièces, etc. Et qu’on doit être très attentif à développer cette compréhension. Et ça ne veut pas dire que quand on comprend ce qui se passe, on excuse ce qui se passe. C’est très, très différent. Et souvent, il y a des collusions. Et donc, à mon sens, c’est là la véritable prévention.

[… remerciements …]

— fin de l’audio —